Pablo PICASSO, Nature morte : guitare, verre, journal et as de pique, 1914, Musée Picasso, Paris
Henri Matisse, Ecrits et Propos sur l’art, Hermann éd, 2004
le mystère de son nom
Et cela m’était d’autant plus nécessaire de pouvoir chercher dans le « salon » de Mme de Guermantes, dans ses amis, le mystère de son nom, que je ne le trouvais pas dans sa personne quand je la voyais sortir le matin à pied ou l’après-midi en voiture. Certes déjà, dans l’église de Combray, elle m’était apparue dans l’éclair d’une métamorphose avec des joues irréductibles, impénétrables à la couleur du nom de Guermantes, et des après-midi au bord de la Vivonne, à la place de mon rêve foudroyé, comme un cygne ou un saule en lequel a été changé un Dieu ou une nymphe et qui désormais soumis aux lois de la nature glissera dans l’eau ou sera agité par le vent. Pourtant ces reflets évanouis, à peine les avais-je quittés qu’ils s’étaient reformés comme les reflets roses et verts du soleil couché, derrière la rame qui les a brisés, et dans la solitude de ma pensée le nom avait eu vite fait de s’approprier le souvenir du visage. Mais maintenant souvent je la voyais à sa fenêtre, dans la cour, dans la rue ; et moi du moins si je ne parvenais pas à intégrer en elle le nom de Guermantes, à penser qu’elle était Mme de Guermantes, j’en accusais l’impuissance de mon esprit à aller jusqu’au bout de l’acte que je lui demandais ; mais elle, notre voisine, elle semblait commettre la même erreur ; bien plus, la commettre sans trouble, sans aucun de mes scrupules, sans même le soupçon que ce fût une erreur. Ainsi Mme de Guermantes montrait dans ses robes le même souci de suivre la mode que si, se croyant devenue une femme comme les autres, elle avait aspiré à cette élégance de la toilette dans laquelle des femmes quelconques pouvaient l’égaler, la surpasser peut-être ; je l’avais vue dans la rue regarder avec admiration une actrice bien habillée ; et le matin, au moment où elle allait sortir à pied, comme si l’opinion des passants dont elle faisait ressortir la vulgarité en promenant familièrement au milieu d’eux sa vie inaccessible, pouvait être un tribunal pour elle, je pouvais l’apercevoir devant sa glace, jouant avec une conviction exempte de dédoublement et d’ironie, avec passion, avec mauvaise humeur, avec amour-propre, comme une reine qui a accepté de représenter une soubrette dans une comédie de cour, ce rôle, si inférieur à elle, de femme élégante ; et dans l’oubli mythologique de sa grandeur native, elle regardait si sa voilette était bien tirée, aplatissait ses manches, ajustait son manteau, comme le cygne divin fait tous les mouvements de son espèce animale, garde ses yeux peints des deux côtés de son bec sans y mettre de regards et se jette tout d’un coup sur un bouton ou un parapluie, en cygne, sans se souvenir qu’il est un Dieu. Mais comme le voyageur, déçu par le premier aspect d’une ville, se dit qu’il en pénétrera peut-être le charme en en visitant les musées, en liant connaissance avec le peuple, en travaillant dans les bibliothèques, je me disais que si j’avais été reçu chez Mme de Guermantes, si j’étais de ses amis, si je pénétrais dans son existence, je connaîtrais ce que sous son enveloppe orangée et brillante son nom enfermait réellement, objectivement, pour les autres, puisque enfin l’ami de mon père avait dit que le milieu des Guermantes était quelque chose d’à part dans le faubourg Saint-Germain. Marcel PROUST, Le Côté de Guermantes, Gallimard, coll La Pléiade, 1973, p28-30
Piratage par des individus ou des États, manipulations numériques… ce podcast nous plonge en immersion dans les services qui luttent contre la cybermenace, pour comprendre comment la France se défend et s’arme dans le cyberespace.
Pablo PICASSO, Tête d’homme, 1908, Musée Picasso, Paris
Visages de la Guerre 14-18, cimetière Saint-Pierre, Marseille
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Collection JOURNAL re-presentations
Journal des visites
Le marquis de Palancy
Le marquis de Palancy, le cou tendu, la figure oblique, son gros œil rond collé contre le verre du monocle, se déplaçait lentement dans l’ombre transparente et paraissait ne pas plus voir le public de l’orchestre qu’un poisson qui passe, ignorant de la foule des visiteurs curieux, derrière la cloison vitrée d’un aquarium. Par moment il s’arrêtait, vénérable, soufflant et moussu, et les spectateurs n’auraient pu dire s’il souffrait, dormait, nageait, était en train de pondre ou respirait seulement.
Marcel PROUST, Du côté de Guermantes, Gallimard, coll La Pléiade, 1973, p 43
Robert RAUCHENBERG, Ruby Goose (spreead), 1979, MAMAC, Nice