Michel Schneider, la Loi, les lois

« La multiplication des lois n’est que la conséquence de l’effacement de la Loi. Car l’accumulation, la complication et le désordre des lois votées pour être annoncées, non pour être exécutées, masquent mal la disparition progressive, dans les esprits des gouvernants comme des gouvernés, de toute Loi, au sens symbolique d’un certain caractère immuable et valable pour tous. « Il y a, disait Montesquieu, deux sortes de corruption : l’une, lorsque le peuple n’observe point les lois, l’autre lorsqu’il est corrompu par les lois : mal incurable, parce qu’il est dans le remède même. » *  Pour qu’une loi soit une loi, il faut d’abord une condition de forme, l’adoption par la représentation nationale, mal remplie en général, les assemblées se voyant dicter la loi par le gouvernement et le parti qui le domine. Mais il faut aussi une condition de fond : la recherche de l’intérêt général. Or la loi est souvent une « loi privée » réclamée par un groupe social devant lequel le Parlement se résigne. Il faut enfin une condition de réalisation. Il n’y a pas d’édit, de déclaration, de règles qui ne souffre mille tempéraments dans son exécution pratique par l’Etat. »

Michel Schneider, Big Mother, Psychopathologie de la vie politique, Ed Odile Jacob, 2002, P 87-88

*Montesquieu, De l’esprit des lois (1748), livre VI, chapitre XII, De la puissance des peines.

Ce contenu a été publié dans Citation, Philosophie, Sciences-humaines. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.