Marcel Proust, cousu main, France culture

Difficile d’imaginer Proust autrement : du temps perdu dans les salons, le goût retrouvé d’une madeleine, la monumentale Recherche. Il suffit de retourner le manteau des apparences pour qu’un nouveau Proust apparaisse.

A l’origine du futur écrivain, il y a la voix d’une mère, l’appel du paysage, l’amour naissant et la peur de l’abandon. Des sensations qui s’échappent et que le jeune Proust voudrait retenir.

Les salons se font et se défont. Le mot Dreyfus est sur toutes les bouches. Des voix surgissent du téléphone. Dans les voitures, le paysage défile à toute allure. Des bombes tombent sur Paris. Proust tisse l’étoffe du monde.

Du temps perdu au temps retrouvé, Proust est l’inventeur d’une machine à explorer le temps. Ses phrases élastiques s’étirent, se bouclent et nous propulsent dans la quatrième dimension.

Proust meurt en 1922, échappant à l’opprobre. Au cours des deux décennies qui suivent la mort de l’écrivain, l’antisémitisme ne fait que s’intensifier. L’étau se resserre partout en Europe. Alors, Proust devient, pour certains de ses lecteurs, un véritable recours jusque dans l’enfer des camps.

Des lecteurs fervents, des artistes habités et des chercheurs sans entrave osent retourner le manteau des apparences proustiennes pour vous guider à travers les plis d’une œuvre colossale, regards sur le monde, qui défie le temps.

Ambitieusement”, ce livre serait “comme une cathédrale”, écrit Proust dans La Recherche. Effrayante vue de l’esprit qui fait immédiatement se dresser l’image d’une œuvre monumentale, symétrie parfaite, allées de phrases, travées de significations, saintes interprétations. Mais un trébuchement sur un pavé disjoint vient provoquer une irrésistible chute de la phrase. Plus humblement, conclut Proust, ce livre serait “tout simplement comme une robe”. Désirable, sensuelle, concrète, l’œuvre devient tissu moiré, trame de fils savamment entrecroisés, morceaux cousus et recousus à la main pour le corps qui va le porter. Un Proust trivial, sublime.

Une Grande Traversée signée Christine Lecerf, réalisée par Anne Perez Franchini.

Avec l’aide de Anouck Delfino. Prise de son : François Rivalan, Christophe Goudin, Yann Fressy, Stéphane Foulon, Hervé Dubreuil, Andréas Jaffré, Sandrine Malon, Mai Phuong Tran, Loic Durros, Yvan Turk. Mixage de Djaison Taouss, Pierrick Charles, Valentin Azan Zelinski et documentation de Véronique de Saint Pastou, Antoine Vuilloz, Annelise Signoret. Coordination : Christine Bernard.

Remerciements :

Liens :

Christine Lecerf est productrice à France-Culture. Auteure de nombreuses Grandes Traversées, (Arendt, Freud, Chaplin, Céline, Marx), elle a obtenu le Prix SCAM pour Looking for Shakespeare. Elle est également critique littéraire au Monde.

Ce contenu a été publié dans Écrivains, Marcel Proust, Radio. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.