La veilleuse par Patrick Modiano

« J’ai traversé de nouveau le salon. La veilleuse y répandait toujours sa lumière vert pâle, par vagues lentes. J’ai pensé à la mer et à ce liquide glacé que l’on boit les jours de chaleur : le diabolo menthe. J’ai entendu encore des éclats de rire et leur pureté m’a frappé. Ils venaient de très loin et se rapprochaient tout à coup. Je ne parvenais pas à les localiser. Ils étaient de plus en plus cristallins, volatils. Elle dormait, la joue appuyée contre son bras droit, tendu en avant. La barre bleuâtre que projetait la lune à travers la pièce éclairait la commissure des lèvres, le cou, la fesse gauche et le talon. Sur son dos, cela faisait comme une écharpe rectiligne. Je retenais mon souffle. »

Villa triste, Gallimard, coll Blanche, 1975,  p.40

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