L’ombre interne I.2 (Théâtre)

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L’OMBRE INTERNE I.2
(Publication de ce texte les jours impairs de Juin & juillet 2005)

2

— Les nuages n’ont pas quitté le ciel…J’ai redouté toute la journée un nouvel orage. Vous avez écouté la météo avant de venir ?
— On a fait votre toilette aujourd’hui ?
— Pourquoi, je sens mauvais ?
— Vous vous négligez, Amalia.
— Je ne supporte pas la blondasse qui vous remplace le matin.
— Vous êtes sévère avec Charlotte…
— Non. Autour de six heures trente elle va rappliquer pour la température avec ses petits yeux cachés derrière des culs de bouteille, impossible de voir où elle regarde avec des verres pareils.
— Non…
— Supporte pas ! Supporte pas ! Mais pourquoi on parle d’elle, hein ?
— La toilette.
— Je refuse. Je demande à l’aide-soignante, elle , elle ne me refuse rien.
— Charlotte est dans de service depuis plus de dix ans et…
— Qu’en savez-vous, vous…
— Impossible d’achever une phrase ! Vous vous en rendez compte au moins ?
— Excusez-moi… Luc, c’est la première fois que vous vous emportez avec moi ?
— A force de vous négliger de la sorte, vous vous enfoncez un peu plus dans la position de malade.
— Où allez-vous ?
— Prendre une brosse à la salle de bain. Pas question de vous laisser dans cet état !
— Coiffez-moi si vous voulez mais ne présentez pas ce miroir devant mes yeux.
— Penchez la tête, Amalia.
— Attention, il y a des nœuds.
— Je fais ce que je peux…
— Non, vous ne savez pas tenir une chevelure entre vos doigts…
— Ces cheveux sont gras, Amalia.
— On vous a appris à reconnaître la texture des cheveux dans votre école.
— Regardez vers la vitre. Il suffit d’un rien pour que vous changiez de tête. Savez-vous qu’un coiffeur est attaché à l’Hôpital… Sur simple appel, il transporte ici son matériel et…
— Je le connais, il s’est déjà présenté ici. Dieu, faudrait faire les racines, égaliser ces mèches et même changer de couleur. Qu’en pensez-vous ?
— Je ne sais pas.
— Il m’arrive d’être complètement indifférente…C’est de ne plus pouvoir se déplacer qui… Luc, qu’est-ce que vous regardez ?
— …
— Si, si, une pensée vous traverse la tête pendant que vous me regardez, je la sens tourner autour.
—…
— Luc !
— … Je … Je pense à une photo de Nadar… C’est quand vous avez fermé une main demain devant la bouche… J’ai trouvé dans un recueil, l’image d’une vieille dame…, on pense qu’il a photographié sa mère ou peut-être son épouse… Elle est assise sur un fauteuil en velours, et une cape coupée dans le même tissu couvre ses épaules. Elle regarde l’objectif en portant une main devant la bouche. Je crois qu’elle tenait un bijou ou une fleur séchée… Je ne sais plus ?… Jeune elle dut être d’une grande beauté… Ses cheveux blancs retombaient de chaque côté de son visage, comme les vôtres en ce moment…
— Apportez-moi cet ouvrage…
— Il y a bien longtemps qu’il a disparu de mes étagères.
— Je vous apparais si vieille ?…
— Je ne sais pas comment vous m’apparaissez, je crois que je ne pourrai jamais le savoir…

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