Relancer / Déplacer

Toute une part de l’œuvre de Roland Barthes pourrait être réinterrogée selon son rapport à la répétition, tant les indices foisonnent ici et là, pour attester de l’idée que rien dans son parcours ne pouvait le conduire à séjourner sur un territoire. Cette tendance au déplacement continuel, fort bien analysée par Stephen Heath semble consubstantielle à son rapport à l’écriture. « Cette première fois », « ce premier moment » révélateurs d’enchantements magiques, déjouent l’exploitation éxagérée du motif. Barthes essaye des formes, des figures sans l’ambition d’en écrire le tout , et le nouveau, l’inconfort dont son oeuvre témoigne est ce renvoi de texte à texte, de connotation à connotation comme si le texte dissertatif était frappé d’une immobilité définitive. Dans les fragments de Barthes, la mort rencontre le mouvement ; quand il commence un autre texte, c’est chaque fois l’Autre du texte qu’il remet en jeu. D’ailleurs, les joueurs ne partagent-ils pas cette même compulsion, comme Barthes, ils semblent frappés d’une IPP (Incapacité Permanente et Partielle) qui les pousse encore et toujours à obéir aux lois du désir, à sa relance. Quoiqu’on pense, cette posture n’est pas copiable, (même si elle favorise l’identification) elle tient au corps de Roland Barthes, à son raport au nouveau. En la circonstance, il s’agit moins d’affirmer un modèle que de mettre au jour le chiffre d’un fonctionnement qui lui permit de ne pas consister dans un type d’écriture.
Quand, par exemple, le Nouvel Observateur lui demanda en 79 d’assurer une chronique, il ne s’agissait pas pour lui de reprendre l’expérience engagée avec les Mythologies, de faire « à la manière de… », même s’il travailla à prés de trente ans sur des objets de société. (Roland Barthes avait trop fait sienne la conception de l’Histoire défendue par Ganbatista Vico pour reprendre tel quel un mode d’écriture qui fit date dans l’histoire de la sémiologie en France).

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