Nom de Barthes (le )

On voudrait lui accorder un nom définitif, on voudrait jeter sur ce patronyme encerclé par des imaginaires individuels et sociaux, un filet d’où plus rien ne sortirait – la mort a ce désir -, mais non, il travaille loin derrière nous, un peu comme ces machines mécaniques qui tiennent leur fonctionnement d’un mouvement perpétuel, là où le temps défie la mort.
Un jour, ce nom fut réduit à des initiales « R B », c’était sa signature avant que philippe Sollers ne s’en empare pour écrire entre ces deux lettres. Et puis, plus tard, aprés la mort biologique, on le formalisa dans un signifiant reconstitué, « Herbé » (Philippe Roger).
Du nom, aux initiales et à la nomination de ces dernières : toute la vie est là réduite dans un paradigme analogique où les sens sont déportés comme si nous n’arrivions plus à nous suffire d’une seule inscription dans la langue. Ce qui pouvait apparaître comme un artifice de commentateur, n’est que la marque d’une suspension dans laquelle les époques sont désignées, le temps est opposé. Le Journal, c’est cela aussi : qu’est-ce qu’on fait de son nom quand on écrit ? (c’est un occidental qui parle)
On peut imaginer que l’inscription de ses initiales au bas d’une lettre (ou d’un mot, comme on dit), c’est pour faire vite, c’est pour ne pas en rajouter sur tout ce que ce nom condense comme savoirs antérieurs sur la personne qui écrit. Mais on peut également envisager cette dé-nomination comme un opérateur de désir, là où on donne à inventer – à combler le vide -, un peu comme cette proposition qui tend à faire du lecteur, l’écrivain en seconde main, du Texte. L’initialisation de son propre nom est une manière de regarder amoureusement celui qui lit, car l’entier de la signature rappelle toujours l’évidence. Et si à un moment de son histoire Roland Barthes s’arrêta sur les premières lettres de son nom, c’est qu’il parvint à statuer sur son sort, un peu comme les condamnés qui restent sur les derniers mots de la sentence. C’est le moment où le discours est arrêté (-arrêt sur image-) et que l’on retient de son passage que des restes initialement prévisibles.

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