Du cinéma

« Le sujet qui parle ici doit reconnaître une chose : il aime à sortir d’une salle de cinéma. »Suit une scène de cinéma bien entendu, qui nous montre RB se décrivant en train de quitter ce cube obscur dans lequel il s’est enfermé le temps d’une fiction, le temps d’une hypnose. Le corps est là : transporté, observé un peu défait ; détaché d’un espace spongieux et criblé de particules de lumière qui organisent le lieu d’une réunion entre images.

(Au milieu d’un ensemble de textes réunis sous le chapeau « Psychanalyse et Cinéma », émerge un écrit qui nous parle et nous montre le corps, la voix, la lumière et le regard.)

Quand RB se rend dans une salle de cinéma; il attend le « moment de sortir », le moment de conclure : c’est sa perversion. Car un état hypnoïde le transporte dehors, loin de la réalité brutale qui fond sur lui lorsqu’il retrouve la rue, la lumière du soir, les bruits au loin et l’Autre de la fiction, celle du monde. Présentifiée aux côtés des images animées, l’ypnose réunie les conditions d’une sauvegarde devant cette coupure temporaire de la réalité que permet le cinéma.

Je reste saisi en traçant ces lignes de l’actualisation de cette vieille lanterne psychanalytique, l’Hypnose que la psychanalyse, précisément ne semble traiter aujourd’hui, qu’avec condescendance.
Alors, comment sort-on de l’hypnose ?
Que laisse-t-on de soi dans cette coupure de la réalité percluse de paroles suggestives ?
Chaque jour, des millions de regards apportent leur réponse, la leur, en effleurant des yeux ces vastes rectangles troués, accrochés au fond des salles obscures.
Le cinéma, c’est le simulacre fondamental, c’est l’anamorphose du reconnaissable, c’est une parure de la mort et du sexe : ce qu’on laisse là en entrant, ce qu’on laisse juste à la porte, on n’est pas près de le récupérer tel quel.

« Se retrouvant dans la rue éclairée et un peu vide (c’est toujours le soir et en semaine qu’il y va) et se dirigeant mollement vers quelque café, il marche silencieusement (il n’aime parler tout de suite du film qu’il vient de voir), un peu engourdi, engocé, frileux, bref ensommeillé : il a sommeil, voilà ce qu’il pense ; son corps est devenu quelque chose de sopitif, de doux : mou comme un chat endormi, il se sent quelque peu désarticulé, ou encore (car pour une organisation morale le repos ne peut être que là) : irresponsable. Bref, c’est évident, il sort d’une hypnose. » Roland Barthes En sortant du cinéma, in « Le Bruissement de la langue »,

Troisième personne du détachement. Troisième personne de la distanciation descriptive : RB se regarde sortir et nous le regardons en train de se voir sortir, alors qu’il s’avance vers nous pour accueillir, lui aussi, notre regard. Là.
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