Michel SHNEIDER, Une société d’individus narcissiques est-elle seulement possible ?

« Une société d’individus narcissiques est-elle seulement possible ? Faut-il imaginer Narcisse heureux ? La société dépressive qui résulte de la démocratisation du narcissisme ne le démontre guère. Procès abusifs, abstention électorale, mouvements sociaux autistiques, antifascisme de façade, jeux de rôles télévisuels recherche désespérée de places et de marques, quel traits pathologiques communs s’emparent des Français dans les représentations d’eux-mêmes et de l’Etat-mère ? La demande fondamentale adressée à la mère et une demande de reconnaissance. Les revendications sociales sont devenues des aspirations subjectives. L’envie est certes une envie d’être, mais surtout d’être reconnu. Hospitaliers, gardiens de prison, professeur, assistantes sociales, conducteurs de transports en commun, convoyeurs de fonds, policiers, ces professions diverses, qui ont démantelé à l’automne 2001 une Big Mother débordante et débordée, ont en commun deux choses. Elles dénoncent toute un manque de moyen, en se masquant que c’est d’abord un manque de fins qui les plonge dans le désarroi. Confrontées à la pauvreté et la délinquance toutes ses formes, elles font face à des couches sociales et d’âge qui elles aussi souffrent d’un manque de reconnaissance – elles disent respect – quelles adressent par défaut à l’Etat. Celui-ci peut-il faire autre chose que de feindre d’y répondre ? »

 

Michel Schneider, Big Mother, Psychopathologie de la vie politique, Ed Odile Jacob, 2002, P 182

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