Michel Schneider, démocratie, opinion…

« Le passage de la démocratie représentative à la démocratie interactive masque une absence continue de véritable démocratie. Le sondage est un anti-suffrage, comme le témoignage un anti-récit. Il est d’abord une arme du pouvoir. « Il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre », pour en revenir à l’Etat selon Tocqueville. Comment faire entendre, sans être taxé d’élitisme, aux faiseurs d’opinion comme à l’opinion elle-même qu’avoir vécu une expérience ne suffit pas à la comprendre, et qu’il vaut mieux l’avoir pensé avant de la communiquer ? Est-ce aller contre la démocratie que de distinguer entre avoir un sentiment et développer des arguments ? Comment restaurer une pensée critique ? « L’expression libre » des pédagogies progressistes n’est pas la liberté d’expression des démocraties. Exprimer librement les idées reçues, ce n’est pas être libre. Être libre, c’est être libre de penser les idées inexprimées. De même que la publicité nous convainc de n’être comme personne en achetant comme tout le monde, la libre expression affranchie de tout savoir et ignorante de toute valeur, nous somme de parler comme nous-mêmes en pensant comme les autres. Au principe de toute information, transmission, éducation, il y a une inégalité symbolique que l’égalité politiques à masquée. Quant à l’inégalité économique croissante, on peut penser que c’est souvent pour la maintenir qu’est affichée la fin des inégalités symboliques. »

Michel Schneider, Big Mother, Psychopathologie de la vie politique, Ed Odile Jacob, 2002, P 100-101

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