Le devoir est un mot que je n’aime pas: il y a l’écriture et puis il y a la vie, avec ses horreurs, ses injustices. L’un et l’autre ne peuvent être liés qu’à condition de faire de la vie et de ses catastrophes une écriture. L’écriture des choses matérielles ne saurait être différente de celle envisagée pour la littérature. Écrire un roman, c’est écrire l’histoire d’un monde qui pourrait exister et je fais du monde une écriture courante, qui court et glisse, c’est la même écriture que pour raconter la vie de Lol par exemple. C’est pourquoi le mot devoir n’existe pas pour moi, il n’y a pas un devoir pour l’écrivain. Il n’y a que l’écriture qui pousse un homme, une femme à prendre position en regard du réel.
Non, l’écriture n’est pas une manière de réussir à vivre, c’est une manière de vivre, tout simplement. Tout le monde ne peut pas écrire et faire de la littérature, cette vie n’est pas pour tout le monde. Certains en meurent, justement. La littérature est plutôt une manière de mourir, un mourir à soi. >>
Interview avec Marguerite Duras par Sinclair Dumontais