Michel Schneider, une empreinte ou une emprise sur le corps.

« Toute politique se traduit finalement par une empreinte ou une emprise sur le corps. La démocratie par ailleurs inséparable la constitution de la société en corps politique, tandis que corps intermédiaires, corporations et corps professionnels organisaient l’espace social. Mais ces derniers ont peu à peu – en fait avec des sauts brutaux, comme la Révolution – fait place aux corps individuels, et, en face, au grand corps de Big Mother. En fin de compte – ou à l’origine des liens qu’elle assure -, la politique s’incarne dans les corps des dominants et concerne les corps des dominés. Pour les restreindre par la dépendance envers l’Etat, ou pour les étendre par l’autonomie des sujets, le pouvoir – à travers des intérêts, des médiations et des représentations – touche toujours aux libertés et à leur ultime fondement corporel. Aller venir, travailler où se mettre en grève, parler ou penser, se rassembler ou ne pas s’associer, se nourrir et se soigner, transmettre la vie et élever les générations. Or, aujourd’hui, on assiste à la mise en place d’une politique directe du corps, une politique de proximité au sens le plus physique du terme :  les questions d’environnement, de santé, de sécurité sanitaire supplantent ce qu’on appelait la guerre la question sociale et définissent un champ politique nouveau. Il y avait au siècle dernier un « socialisme de la Chaire », et voici que s’annonce le « socialisme de la chair ». Cette emprise maternelle sur le corps des citoyens s’exerce selon plusieurs registres : environnement, la fiscalité, le loisir, la réglementation, la transparence et les fêtes. »

Michel Schneider, Big Mother, Psychopathologie de la vie politique, Ed Odile Jacob, 2002, P 81-82

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