Bernard NOEL, Matisse

« Cette année 1911, Henri Matisse peint Les Poissons rouges, La fenêtre bleue, Grand Intérieur aux aubergines ; l’Atelier rose et l’Atelier rouge. Chacun de ces chefs-d’œuvre restitue différemment l’espace de la vue, soit qu’il en structure la limpidité, mais en laissant libre de baigner toute chose (La Fenêtre bleue), soit qu’il enferme ce dehors dans un dedans et organise concentriquement le monde autour (Les poissons rouges). Dans les trois grands tableaux d’intérieurs, le plus frappant est leur manière de citer plusieurs espaces en un seul – de les unir en peignant d’autres tableaux dans le tableau, en ouvrant une fenêtre ou un miroir. Les tableaux cités sont toujours de Matisse : ils sont le passé du tableau présent ; ils sont également l’ouverture sur tous les espaces, qui font partie du même espace que lui. Les tableaux ouvrent de fausses fenêtres qui ne donnent que sur la vue du peintre ; mais les vraies fenêtres n’ouvrent que de faux tableaux, qui donne pareillement sur la vue du peintre. Quant au miroir, ils mettent dans la vue ce qui reste en dehors, et ils permettent au peintre d’entrer dans son tableau. »
Bernard Noël Matisse, collection les mots de la peinture, p 70, éditions Hazan, 2002.

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