Marie Bonaparte (1882-1962), princesse pionnière de la psychanalyse

 

Marie Bonaparte (1882-1962), princesse pionnière de la psychanalyse

Dernière descendante de Napoléon Bonaparte, Marie Bonaparte défie son milieu aristocratique, épouse le fils du roi de Grèce, et se réinvente grâce à sa cure avec Freud. Elle devient la pionnière de la psychanalyse française, et sauve la vie de Freud en payant sa rançon aux Nazis.

Marie de Grèce, née Bonaparte
Marie de Grèce, née Bonaparte

Marie Bonaparte, « princesse Bonaparte », arrière-petite-fille de Lucien Bonaparte et petite-fille de Pierre Bonaparte (neveu de Napoléon Ier), est née le 2 juillet 1882 à Saint-Cloud. « Si quelqu’un écrit ma vie, qu’il l’intitule la dernière Bonaparte car je le suis. Mes cousins de la branche impériale ne sont que Napoléon« .

Après le décès de sa mère à sa naissance, elle est élevée par des nourrices et sa grand-mère paternelle, la princesse Pierre. Elle fuit son enfance mélancolique dans la lecture et l’écriture, et rédige, en anglais et en allemand, ses Bêtises, cinq petits cahiers de fictions et de rêves sur lesquels elle s’appuiera dans sa cure psychanalytique avec Freud.

Passionnée d’anatomie, elle aurait voulu être médecin, mais son père lettré lui refuse l’accès aux études. Alors elle entame sa vie mondaine en 1905, et en 1906, fait la rencontre du roi Georges Ier de Grèce dont elle épouse le second fils, Georges de Grèce, à Athènes, le 12 septembre 1907. Ils auront deux enfants, et vivront un étrange mariage à trois avec l’oncle de son mari que ses enfants surnomment « Papa two ».

Son mariage n’empêche pas Marie Bonaparte d’avoir une vie amoureuse très libre : elle eut notamment pour amant l’homme d’Etat Aristide Briand et l’analyste Rudolph Lowenstein.

Marie Bonaparte, convaincue de souffrir de frigidité, est obsédée par ce qu’elle appelle sa « normalité orgastique ». Sous le pseudonyme de A. E. Narjani, elle écrit en 1923 un article, Considérations sur les causes anatomiques de la frigidité chez la femme, et elle se fait opérer plusieurs fois à Vienne par le Professeur Halban, inventeur d’une méthode chirurgicale fantaisiste, censée guérir ses patientes de leur absence de plaisir.

En 1923, elle découvre l’oeuvre de Freud et fréquente les causeries de René Laforgue. Grâce à son intercession, Freud accepte de la prendre en analyse. Très vite, elle devient l’intime de la famille et la représentante de Freud à Paris. Le 4 novembre 1926, elle fait partie des neuf membres fondateurs de la la Société psychanalytique de Paris, et subventionne la première revue psychanalytique française, la Revue française de psychanalyse en 1927. Surtout, elle traduit l’oeuvre de Freud en français. En 1927, sa traduction du Souvenir d’enfance de Léonard de Vinci fait scandale dans son milieu, à tel point que son mari tente de la faire rompre avec Freud. Cela ne l’empêche pas de traduire les Cinq psychanalyses avec Loewenstein, et de poursuivre sa propre oeuvre, à travers notamment son étude de l’oeuvre d’Edgar Poe.

En 1938, grâce à ses connections diplomatiques, Marie Bonaparte aide Freud et sa famille à quitter l’Autriche nazie. Elle verse aux nazis la « rançon » colossale qu’ils exigent pour le laisser quitter le pays.

Marie Bonaparte, Sigmund Freud, en fuite de Vienne, et William Bullitt, ambassadeur américain en France, Paris, juin 1938
Marie Bonaparte, Sigmund Freud, en fuite de Vienne, et William Bullitt, ambassadeur américain en France, Paris, juin 1938 Crédits : Getty

En mai 1939, l’Institut de Psychanalyse est fermé, et la Revue Française de Psychanalyse interrompt sa publication. Elle prend le chemin de l’exil avec la famille royale grecque : Crète, Alexandrie, puis Le Cap, en Afrique du Sud.

Après guerre, surnommée « Freud m’a dit », elle s’oppose au tournant lacanien pris par une partie du milieu psychanalytique. Elle s’investit de moins en moins dans la Société Psychanalytique de Paris à partir de 1957, mais poursuit ses publications, et ses engagements, notamment contre la peine de mort aux Etats-Unis.

Atteinte d’une leucémie, « la dernière des Bonaparte » meurt le 21 septembre 1962 à la clinique de Saint-Tropez. Elle lègue à la Société Psychanalytique de Paris des autographes de Freud, plusieurs collections complètes de ses œuvres, et des revues de psychanalyse rares. Elle est enterrée avec son mari dans la nécropole royale du domaine de Tatoï, près d’Athènes.

Une émission d’Hélène Frappat, réalisée par Angélique Tibau. Liens internet : Annelise Signoret. Prise de son Hélène Langlois. Archives INA : Linda Simon. Extraits de « Princesse Marie » de Benoît Jacquot avec Catherine Deneuve. Textes lus par Gaïta Leboissetier. Collaboration : Juliette Dronne.

Liens

Biographie sur le site consacré à l’éditeur Robert Denoël.

La Folie Edgar Poe, article de Thierry Florentin (cairn.info).

La revue d’une princesse, la Revue française de psychanalyse rend ici hommage à son mécène.

Notes sur l’excision signées Marie Bonaparte en ligne sur le site D’un divan l’autreD’autres articles de Marie Bonaparte sont également disponibles sur ce site.

Le cas de Madame Lefebvre, analyse de Marie Bonaparte publié dans le premier numéro de la Revue française de psychanalyse (1927). En ligne sur Gallica.

Alice Jahier, première analysante de Marie Bonaparte. Entretien recueilli en 1985 par Michel Collée et Nicole Humbrecht. A lire sur le site Histoire de la folie.

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