Disparaître (Patrick Modiano)


« J’allais disparaître dans ce jardin, parmi la foule du lundi de Pâques. Je perdais la mémoire et je ne comprenais plus très bien le français car les paroles de mes voisines n’étaient maintenant à mes oreilles que des onomatopées. Les efforts que j’avais fournis depuis trente ans pour exercer un métier, donner une cohérence à ma vie, tâcher de parler et d’écrire une langue le mieux possible afin d’être bien sûr de ma nationalité, toute cette tension se relâchait brusquement. C’était fini. Je n’étais plus rien. Tout à l’heure, je me glisserais hors de ce jardin en direction d’une station de métro, puis d’une gare et d’un port. À la fermeture des grilles, il ne resterait de moi que l’imperméable que je portais, roulé en boule, sur un banc. »

Chien de printemps, Seuil ed, 1993, p. 117-118

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