Gilles Lipovetsky, Jean Serroy (« … et le centre nulle part. »)

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<< Avec le nouveau cycle de modernité qui recompose le monde, s’est constitué un régime inédit de culture. (…) Car l’âge hypermoderne a transformé le relief, le sens, la surface sociale et économique de la culture. Celle-ci ne peut plus être considérée comme une superstructure de signes, comme l’arôme et la décoration du monde réel : elle est devenue monde, une culture-monde, celle du techno capitalisme planétaire, des industries culturelles, du consumérisme total, des médias et des réseaux numériques. Au travers de l’excroissance des produits, des images et de l’information, une espèce d’hyperculture universelle est née qui transcendent les frontières et brouillant les anciennes dichotomies (économie/imaginaire, réel/virtuel, production/représentation, manque/art, culture commerciale/haute culture), reconfigure le monde que nous vivons et la civilisation qui vient.

            Nous ne sommes plus dans le temps où la culture était un système complet et cohérent d’explication du monde. Finies également les grandes époques d’opposition entre culture populaire et culture savante, entre « civilisation » des élites et « barbarie » de la populace. A cet univers d’oppositions distinctes et hiérarchiques a succédé un monde où la culture ne se séparant plus de l’industrie marchande, affiche une vocation planétaire et s’infiltre dans tous les secteurs d’activités. Au monde d’hier, dans lequel la culture était un système de signes commandés par les luttes symboliques entre groupes sociaux et s’ordonnant autour de repères sacrés créateurs d’un univers stable et chaque fois particulier, succède celui de l’économie politique de la culture, de la production culturelle proliférante, indéfiniment renouvelée. Non plus le cosmos fixe de l’unité, du sens ultime, des classements hiérarchisés, mais celui des réseaux, des flux, de la mode, du marché sans limite ni centre de référence. Dans les temps hypermodernes, la culture est un monde dont la circonférence est partout et le centre nulle part. >>

Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, « La Culture –monde », Réponse à une société désorientée, ed Odile Jacob, 2008.

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Une réponse à Gilles Lipovetsky, Jean Serroy (« … et le centre nulle part. »)

  1. Je pense que cette analyse qui en vient à « globaliser » la culture qui « ne se séparant plus de l’industrie marchande, affiche une vocation planétaire et s’infiltre dans tous les secteurs d’activités » efface tout ce qui échappe encore à l’emprise de l’industrie dite justement culturelle (l’oxymore à la mode).

    Dans les années 70, on parlait de « contre-culture » : certes, un certain nombre de ses courants ont été récupérés (mais n’importe quel artiste contestataire ou dans les marges le sera un jour ou l’autre, s’il veut être connu, sinon il se fait ermite), pourtant leur dynamisme et leur inventivité ont créé des courants (d’air) dont nous bénéficions encore.

    Il y a une sorte d' »entrisme » obligé de la culture au sein des instances officielles : le « off » d’Avignon en vient à concurrencer le « on », qui fut « off » à sa création.

    Ce n’est pas parce que la « marchandisation » récupère tout (y compris les livres de Guy Debord ou ceux de ses émules) que les idées sont emprisonnables. Un livre subversif peut être vendu dans une grande surface : l’étincelle qu’il peut allumer en est-elle pour autant éteinte en passant par la caisse ?

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