tendus vers quoi ?

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 Nous publions le commentaire pertinent de Dominique Hasselmann, animateur du blog Le Chasse-clou, sur cette image.

<< Comme le mort saisit le vif, le visiteur de musée veut capter le  tableau, en faire sa propre oeuvre : il ne le regarde pas « in situ »,  pas le temps, trop de monde, et trop d’autres cadres accrochés à voir, il le verra plus tard sur son micro-ordinateur (il n’a pas pensé à regarder le site qui reproduit toutes ces peintures). 
Mais là, c’est lui qui « oeuvre », son objectif est son propre pinceau :  nouveau moine copiste numérique, il enregistre pour demain, il croit  que la toile va disparaître s’il ne la « fixe » pas. Rentré chez lui, il tient la preuve qu’il a vu, de son objectif vu, ce qu’il fallait voir (ou entendre s’il a pris un « audio-guide » destiné aux aveugles de circonstance.
Le paradoxe ultime : les visiteurs qui prennent en photos les photos, au hasard, d’un Robert Frank (par encore vu et j’espère interdit de photographier : il y a un catalogue pour ça, sinon, trop facile !).  Alors le  photographe amateur se donne l’impression d’être un grand  professionnel en recréant la ou les photos exposées, en « shootant » –  quand c’est autorisé (sinon gaffe aux gardiens et caméras de  surveillance !) – à tort et à travers. Il pourra même dire à un béotien : regarde cette image, je l’ai prise à New York, et l’autre n’y verra que du feu ou du noir et blanc. Les tableaux ou photos soumis à ces atteintes demeurent cois mais n’en pensent pas moins ; quel progrès, ces yeux regardant des viseurs numériques et non les oeuvres elles-mêmes : le regard vivant détériore plus que ces petites machines !>> Dominique Hasselmann

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2 réponses à tendus vers quoi ?

  1. Comme le mort saisit le vif, le visiteur de musée veut capter le tableau, en faire sa propre oeuvre : il ne le regarde pas « in situ », pas le temps, trop de monde, et trop d’autres cadres accrochés à voir, il le verra plus tard sur son micro-ordinateur (il n’a pas pensé à regarder le site qui reproduit toutes ces peintures).

    Mais là, c’est lui qui « oeuvre », son objectif est son propre pinceau : nouveau moine copiste numérique, il enregistre pour demain, il croit que la toile va disparaître s’il ne la « fixe » pas.

    Rentré chez lui, il tient la preuve qu’il a vu, de son objectif vu, ce qu’il fallait voir (ou entendre s’il a pris un « audio-guide » destiné aux aveugles de circonstance.

    Le paradoxe ultime : les visiteurs qui prenent en photos les photos, au hasard, d’un Robert Frank (par encore vu et j’espère interdit de photographier : il y a un catalogue pour ça, sinon, trop facile !). Alors le photographe amateur se donne l’impression d’être un grand professionnel en recréant la ou les photos exposées, en « shootant » – quand c’est autorisé (sinon gaffe aux gardiens et caméras de surveillance !) – à tort et à travers.

    Il pourra même dire à un béotien : regarde cette image, je l’ai prise à New York, et l’autre n’y verra que du feu ou du noir et blanc.

    Les tableaux ou photos soumis à ces atteintes demeurent cois mais n’en pensent pas moins : quel progrès, ces yeux regardant des viseurs numériques et non les oeuvres elles-mêmes : le regard vivant détériore plus que ces petites machines !

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