Nous vivons entre deux appels, entre deux mondes, celui qui va naître pour d’autres et celui qui meurt en nous depuis le début et qui refuse de fermer la porte derrière lui. Dans le monde ancien, il y a des voix, il y a des visages, il y a des récits et des tragédies que nous ne pouvons pas oublier, que nous ne voulons pas oublier. Dans le monde qui naît devant nous, les voix sont confuses, les visages convulsés. On dirait qu’un attentat a eu lieu, on ne sait pas où, qu’une bombe a éclaté, personne n’a rien entendu, parler à quelqu’un est suspect, s’attarder devient dangereux. Dans l’indifférence pressée des citadins, le futur est là, temps silencieux, conjugaison encore imprononçable qu’il va falloir apprendre pourtant. Oui, il y a bien deux mondes pour chacun. Et pour aller de l’un à l’autre, il nous manque les premiers mots. Où les trouver ? Sur quoi prendre appui ?
Jean-Pierre MILOVANOFF, "Entre deux appels, deux mondes", Lexi-Textes, Théâtre de la Colline, 1998
Que vois-je au loin….sur le bleu du ciel…?
Deux petits nuages qui troublent la perfection de cet azur pur….