L’Ombre interne II.4 (Théâtre)

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L’OMBRE INTERNE (II.4)
(Publication de ce texte les jours impairs de Juin & juillet 2005)

4

— Vous apportez du dehors une odeur de gaz d’échappement.
— L’odeur la plus présente dans cette ville…
— J’ai toujours pensé que je mourais, dehors. Mais plus les journées s’accumulent, plus je sens que je n’y arriverai pas.
— Vous aimez parler de votre mort…
— Justement… Ce matin, j’ai écrit plusieurs lettres mais aucune ne vous était adressée.
— A qui, alors ?
— A ceux que vous ne connaîtrez jamais. A des personnages imaginaires que je nomme indifféremment. Des Saints, des noms de couleur, de fruit, d’objet, des… Vous avez de très belles mains, Luc . C’est elles que j’ai remarquées en premier quand une nuit, à l’Hôpital, j’ai fait appel à vous.
— Dans le noir ?
— A l’Hôpital, le noir n’existe pas…
— Approchez.
— Que voulez-vous ?
— Juste une main…, la gauche… Vous ne vous défendez pas, cette fois… Oui, elle est plus belle que l’autre. Fine et solide. Combien de corps ont été touchés par cette main-là
— Vous êtes brûlante.
— Assomption m’a dit la même chose en m’aidant à faire ma toilette, ce matin. Vous n’avez jamais rencontré, Assomption ? Je vais vous demander quelque chose d’un peu fou.
— Attention à ce que vous allez dire, …
— Ne vous sentez pas menacé chaque fois que je vous pose une question… Luc, je voudrais juste une photographie de vos mains. De celle-là en particulier. Ce sera la première fois que j’aurai quelque chose de vous. J’ai dans la tête le souvenir d’un jeune garçon photographié pendant la guerre du Vietnam, il élevait ses mains devant son visage, elles étaient comme suspendues dans l’air. Qu’est-ce que c’est ça ?
— Je veux vous faire entendre cette cassette. Ecoutez.
— C’est la voix de Maria Callas ?… Il m’a semblé entendre cette aria pendant que je vous appelais un matin…
— J’écoute ça, indéfiniment, je ne parviens pas à m’en lasser…
— Mon Père était un ami intime de Callas…
— Qu’est-ce qui vous prend ?
— Je ne supporte pas de voir vos sourcils en bataille. Ne clignez pas des yeux. Là… Avec une ombre de salive, j’ai donné une forme régulière à ces poils.
— Ecartez vous.
— Attendez, je veux vous voir de près… Votre œil droit tombe légèrement, c’est ce qui vous donne cet air un peu vague.
— Otez vos mains, Amalia.
— Si je dégage ces poils là et puis ceux-là, je réduirais cet affaissement … Je redoute votre…

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