Si le nu est présent dans toute l’histoire de l’art, la représentation du sexe en lui-même, tantôt érotisé tantôt dissimulé par souci de pudeur, a constamment fait l’objet de débats.
C’est la découverte du croquis d’un sexe masculin sur le col d’un des protagonistes de la scène dépeinte, dans le tableau de Caravage intitulé Les Tricheurs, qui rappelle à quel point la représentation du nu dans l’art a toujours été l’objet de fascination et de censure, plus ou moins contournée. Cela nous amène également à nous demander quelle est la place du détail en peinture et sur ce qu’il ajoute à l’impression globale qu’engendre l’œuvre sur le spectateur. Selon Jérémie Koering, le détail a pour fonction, chez Caravage, d’affirmer « l’évidence du visible dans sa double part référentielle et construite ». Un gant troué, les coins cornés des cartes de jeu, une dentelle travaillée, les motifs du tapis, tout concourt à donner consistance à la représentation. Est-ce des symboles qui suggèrent des réalités cachées ou des signes qui dénotent la puissance de la peinture, partagée entre opacité et transparence ? Est-ce, dans le cas des tableaux religieux, le moyen de donner une interprétation naturaliste de l’histoire sainte, de traduire le vrai ? Et qu’en est-il de la représentation du sexe, cet objet licencieux qui n’a jamais cessé d’être montré en même temps que caché ? Qu’est-ce que cela révèle des normes de décence et de leurs perpétuelles transgressions dans l’histoire de l’art ?
- Les invités : Philippe Comar, écrivain, professeur à l’Ecole nationale des Beaux-Arts, commissaire d’expositions dont « Masculin masculin : l’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours » et auteur de l’essai L’homme nu publié en 2013, co-auteur avec Nicolas Guilbert de Voir et regarder l’art publié aux éditions Herscher en 2021 et Jérémie Koering, professeur d’histoire de l’art moderne à l’université de Fribourg, auteur de Les iconophages : une histoire de l’ingestion des images paru aux éditions Actes Sud en 2021 et de Caravage, juste un détail, publié en 2019 aux Editions de l’INHA.