Pornographie, Les Chemins de la philosophie par Adèle Van Reeth

LES CHEMINS DE LA PHILOSOPHIE par Adèle Van Reeth

Pornographie (1/4)

Vivons-nous dans un monde porno ?

La pornographie est-elle une esthétique ? Notre époque est-elle porno ? Quand l’art moderne sous l’effet du capitalisme est devenu une marchandise, il est alors devenu pornographique.

Laurent de Sutter, notre invité, n’entend pas la pornographie comme catégorie morale ou genre cinématographique mais comme une catégorie esthétique qui charrie des codes de représentations et de formes, parfois baroques ou encore kitsch.
Il repense le contemporain du point de vue de la marchandise, et la pornographie, intrinsèquement liée à la marchandise, est alors très pertinente pour explorer ce contemporain.
À l’époque moderne, c’est l’art même, sous l’effet du capitalisme, qui devient une marchandise.
L’œuvre de Jeff Koons, aujourd’hui, nous place face à notre époque : l’esthétique pornographique est l’esthétique contemporaine…

L’invité du jour :

Laurent de Sutter, professeur de théorie du droit à la Vrije Universiteit Brussels à Bruxelles, auteur de Pornographie du contemporain : Made in heaven de Jeff Koons aux éditions La Lettre volée.

Les origines de la pornographie

La pornographie est d’abord une catégorie esthétique dans la mesure le mot naît dans le lieu de l’image de la tradition occidentale, en Grèce antique. Il a d’abord désigné le travail du peintre Parrhasius. Dans ses peintures il mettait en scène des prostituées. Les oeuvres ont eu tant de succès que toute une série d’empereurs romains comme Tiber les collectionnait encore plusieurs siècles après. Il s’inscrit dans le mot « pornographos » et dans cette figure de Parrhasius -un des inventeurs de la peinture, l’un des premiers à porter la peinture à son point de perfection qui ouvre une tradition de l’image-, trois caractéristiques : la pornographie est une question d’image, une question de représentation, et elle a un rapport direct, intime, profond et définitif avec la prostitution.
Laurent de Sutter

Pornographie et prostitution

Dans l’histoire de la modernité, marchandise et prostitution sont une seule et même chose : l’histoire de la philosophie dans la modernité propose une équation forte où tout ce qui est considéré comme marchandise et en même temps prostitué au capital, à la valeur etc. Si on réfléchit à la signification du terme prostitution dans cette histoire qui s’inaugure avec les Grecs et Parrhasius, ça désigne un corps dans un certain contexte, indexé à une valeur sexuelle, mais cette indexation se dépasse elle-même : un monde s’ouvre où ce qui devient premier est l’échange.
Ce qui a décidé de l’inscription de l’œuvre de Koons à l’intérieur de l’espace de la pornographie et donc de la prostitution, c’est précisément à cet endroit-là que ça se situe, au moment où on passe de la conception de la prostitution à une définition générale de l’espace de la marchandise comme espace de la pure valeur indépendamment de ce qui pourrait faire sa valeur intrinsèque.
Laurent de Sutter

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