Patrick Modiano « J’attendais »

« J’attendais.  Que pouvait-elle bien faire ? Elle m’avait promis qu’elle serait à la gare une demi-heure avant l’arrivée de l’express pour Paris. Comme ça, nous ne risquerions pas de le manquer. Mais il venait de repartir. Et je restais debout, à suivre le défilé cadencé des wagons. Derrière moi, autour d’un des bancs, mes valises et ma malle-armoire étaient disposées en demi-cercle, ma malle en position verticale. Une lumière sèche dessinait des ombres sur le quai. Et je ressentais cette impression de vide et d’hébétude qui succède au passage d’un train.
Au fond, je m’y attendais. Il aurait été incroyable que les choses se passent autrement. J’ai contemplé de nouveau mes bagages. Trois ou quatre cents kilos que je traînais toujours avec moi. Pourquoi ? À cette pensée, j’ai été secoué d’un rire acide. »
Patrick Modiano Villa triste, 1975, Gallimard, coll Blanche, p. 176

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