Salle d’attente (Patrick Modiano)

« Au souvenir de cette soirée, j’éprouve le besoin de retenir des silhouettes qui m’échappent et de les fixer comme sur une photographie. Mais, après un si grand nombre d’années, les contours s’estompent, un doute de plus en plus insidieux corrode les visages. Trente ans suffisent pour que disparaissent les preuves et les témoins. Et puis, j’avais senti sur le moment que le contact s’était relâché entre Jansen et ses amis. Il ne les reverrait plus jamais et ne paraissait pas en être du tout affecté. Eux, ils étaient sans doute surpris que Jansen les ait invités alors qu’il ne leur avait pas donné signe de vie depuis longtemps. La conversation s’amorçait pour retomber aussitôt. Et Jansen semblait si absent, lui qui aurait dû être le lien entre tous ces gens… On aurait cru qu’ils se trouvaient par hasard dans une salle d’attente. »

Chien de Printemps, Seuil éd, 1993, p. 70-71

Ce contenu a été publié dans Patrick Modiano, Polaroïd. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire