zone de silence (Patrick Modiano)

« Dans les chambres d’hôtel du quartier de la gare de Lyon où nous nous retrouvions, j’avais remarqué qu’on avait laissé les rideaux noirs de la Défense passive et pourtant c’était bien des années après la guerre. On entendait des allées et venues le long des couloirs, des portes qui claquaient, des sonneries de téléphone. Derrière les cloisons, des conversations se poursuivaient toute la nuit et le timbre des voix était celui de voyageurs de commerce discutant interminablement de leurs affaires. Des pas lourds, dans l’escalier, de gens qui portaient des valises. Et, malgré le brouhaha, nous parvenions tous les deux à atteindre la zone de silence dont elle m’avait parlé, où l’air était léger à respirer. Au bout de quelque temps, j’avais la sensation que nous étions désormais les seuls habitants de l’hôtel et qu’il s’était vidé de ses clients. Ils étaient tous partis prendre le train à la gare d’en face. Le silence était si profond que j’imaginais la petite gare d’une ville de province près d’une frontière perdue sous la neige. »
Patrick Modiano, Accident nocturne, Gallimard ed, 2003, p. 55-56

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