L’ombre interne (I.V. 4) Théâtre

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L’OMBRE INTERNE IV.4 (théâtre)
(Publication de ce texte les jours impairs de Juin, juillet & août 2005)

4

— Luc , Luc , ne montez pas directement, venez dans ma chambre.
— Vous ne dormez pas encore. J’ai sommeil. Qu’est-ce qu’il y a encore ?
—Vous m’avez fait peur, tout à l’heure, je ne vous ai jamais vu dans cet état…
— C’est pour me dire ça que vous m’avez appelé ?
— Où êtes-vous allé ?
— Lachez-moi !
— Pardon… Dites-moi…, où êtes-vous allé ?
— Sur la jetée.
— L’air est plus frais, là-bas… Vous m’en voulez ?
— …
— J’ai besoin de vous parler… Je n’ai pas retrouvé les photos d’Amalia, celles qui étaient dans le tiroir du chiffonnier.
— Elles sont restées à Paris, au milieu des cahiers…
— Vous êtes certain qu’elles ne dorment pas dans votre antre ?
— Je monte
— C’est ça disparaissez, c’est ce que vous réussissez le mieux…

— Vous devez être un magicien.
— C’est nouveau, ça. Vous m’avez traité de bien des façons, mais jamais de ce nom là.
— Les magiciens entrent par des voies impossibles, traversent des miroirs, se retrouvent de l’autre côté, méconnaissables et inchangés…
— Ecoutez ça : “C’est toujours une rupture de l’ordre qui attire l’attention” et puis
— Non.
— C’est votre Journal.
— Je me souviens. Mais ne recommencez plus ! Je n’ai jamais pu relire une seule ligne de ce que j’ai tracé sur ces cahiers.
— Et votre livre ?
— Plus la peine de penser à ce détail. Parfois on s’acharne sur une idée mais au fond on sait qu’elle est sans consistance.
— A Paris, vous m’aviez tant harcelé…
— Ça ne compte plus… Quand je vous vois passer des heures sur ces vieilleries, je n’ai plus envie de continuer.
— Les lettres sont restées à Paris ? Répondez-moi, .
— Elles ont été avalées avec le reste.…
— Quand vous m’avez demandé de me présenter devant la photographie d’Amalia…, quand vous avez insisté pour que je scrute son regard, le vôtre se reflétait sur la vitre du cadre, collait presque parfaitement aux contours de ses yeux.
— De qui parlez-vous ?
— Vous avez tout inventé, Amalia.
— Vraisemblablement… J’ai dû m’inventer une fois sans plus rien changer à l’histoire…

— 0442, c’est le code.
— Et la signature ?
— Vous l’imiterez, regardez, elle très simple…
— Ne me demandez pas ça.
— Comment faire autrement, si je pouvais sortir … A Paris, Assomption utilisait ma carte bancaire, très souvent.
— C’est une femme. Vous oubliez que votre nom est imprimé en relief sur la carte.
— C’est une autre…
— Comment ?
— Ne cherchez pas à comprendre, et rendez-moi ce service.
— Expliquez-vous.
— Cette carte est au nom de Philippe Maret, regardez…
— Qui est-ce ?
— …
— Amalia !
— Regardez, le tracé de la signature est rudimentaire : un P et un M entrelacés. Un enfant serait capable de l’imiter…
— Répondez-moi…, qui est ce Philippe Maret ?…
— Mon fils, il pourrait être mon fils…, une quarantaine d’années, environ. Vous êtes plus jeune, non ? Au fait quel est votre âge ?
— Généralement, les parents connaissent l’âge de leurs enfants…
— Il vivrait en Afrique…, il serait conseiller technique à l’Ambassade de France d’Abidjan…
— Vous m’inventez une histoire, là, en direct, il y a longtemps que cela ne vous était pas arrivé.
— Ne dites pas ça… Et si c’était la vérité, et si je vous avais caché ce fils depuis le début, hein ?

“Vous êtes bien au 45 39 48 24, n’hésitez pas à me laisser un message après le signal sonore.”
— Vous refusez de m’écouter… Vous profitez de votre force, c’est ça… Devant une personne valide, votre comportement ne serait pas aussi dur… Heureusement, il y a votre enregistreur qui tourne à l’infini…, une vraie bande de Moëbius… D’une face à l’autre… Mais écoutez-vous les messages que j’enregistre ? Je me le demande chaque fois que j’entends votre voix susurrer : “Parler après le signal sonore.” Oui, j’ai un fils de quarante trois ans, et alors ? Jamais je n’ai prononcé son nom devant vous avant hier soir… Plus de onze années sans voir comment son visage a tourné. Quelles rides habillent cette figure, désormais ? La dernière fois que je l’ai aperçu dans cette maison, j’ai cru voir son père me parler… Diplomate particulier… Diplomate, c’est le nom qu’on donne aussi à l’étranger quand des activités n’ont rien d’officielles. Vous me comprenez, j’espère ?… On ne peut pas tout dire au téléphone, semble-t-il… Vous y croyez à ça, ? On ouvre la porte, vous arrivez chez moi pendant que je vous parle à l’autre bout de ce pays…

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