L’Ombre interne IV.2 (théâtre)

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L’OMBRE INTERNE (IV.2)
(Publication de ce texte les jours impairs de Juin & juillet 2005)

2

— Quinze années…
Depuis plus de quinze ans aucune présence étrangère n’a habité les Accates.
“Présence étrangère”, comment entendre ces mot à propos de Luc ? Je perçois un souffle humain, la nuit…
Résider ensemble sur ce territoire…
De ce lit qui me protège, je crains de ne pas savoir comment me comporter.
Dans la chambre bleue, lieu inaccessible pour moi…
A-t-elle gardé sa couleur ?…
Peut-être que les bleus précieux qui l’habillaient autrefois ont été délavés par le temps ?
Pourquoi ai-je le sentiment de ne plus pouvoir écrire comme avant ?
Pourquoi tout devient forcé depuis qu’il est arrivé ?…

— Vous n’êtes pas fatigué à la fin ?
— De vous ?
— Je ne pourrais pas lire toute la journée comme vous le faites, c’est vrai, je n’ai plus mes yeux d’avant.
— Vous avez pourtant rempli tous ces cahiers…
— Combien déjà ?
— Comment savez-vous que je l’ai comptés ?
— Je vois à travers les murs…
— En considérant ceux de Paris, il y en a 113 de copies et 91 de Journal.
— C’est la même chose pour moi, je n’ai jamais distingué le travail de copie, du Journal, d’ailleurs je…
— Pourtant…
— Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?
— Si vous me laissiez finir.
— Répondez, qu’est-ce que vous voulez dire par ce “Pourtant” ?
— Vous n’avez pas rempli ces cahiers aux mêmes époques…
— Question de temps…
— Ça pourrait être le titre de l’ensemble.
— Si ça vous amuse. Non ! “Question de temps…” Vous n’avez rien compris ! Moi, j’ai saisi des phrases, des paragraphes, comme d’autres s’abiment à faire de la photographie. Le Journal, c’était entre… Quand je ne savais pas quoi lire, quand je ne trouvais pas de textes qui me mobilisaient assez pour recopier des moments splendides. Ecrire est un travail, non ? Je n’aurais jamais su… Avez-vous entendu parler, d’Amiel ?
— Qui est-ce ?
— …
— J’ai rangé les cahiers par années, la numérotation n’est pas toujours chronologique. J’ai trouvé deux cahiers 23 et 37. Si je disposais des cahiers qui sont restés à Paris, je suis sûr que je trouverais d’autres erreurs…
— C’est possible…
— Vous écrivez encore, Amalia ?
— Je n’ai jamais écrit devant quiconque.

— Comment vous sentez-vous ?
— Ne parlez pas de ma maladie.
— Vous vous affaiblissez à vue d’œil… Prenez-vous vos médicaments ?
— …tout jeté.
— Qu’est-ce qui vous prend ?
— Nous allons signer un pacte : vous ne vous occupez plus de mon état et je ne vous pose plus aucune question.
— A votre place, je ne m’engagerais pas sur ce terrain.
— Vous ne serez jamais à ma place.
— “Dé-fier”… Déé-fiiier…
— Je ne suis pas sourde !
— “Il y a des mots qui manquent dans toutes les situations.” Je vous cite, en ce moment : Journal, cahier 71…
— Je n’ai jamais relu ces vieilleries, je n’en aurais pas la force… Un jour je jèterai tout !
— Non.
— Vous avez peur !
— Taisez-vous !
— J’aime quand vous employez le mode impératif, chez vous il devient complètement abstrait…

(FIN de la publication de l’Ombre interne, le mardi 9 août 2005)

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