L’Ombre interne III.1 (Théâtre)

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L’OMBRE INTERNE (III.1)
(Publication de ce texte les jours impairs de Juin & juillet 2005)

1

— Il me semble avoir entendu… “ A mon âge, on n’a plus peur de ne pas tenir ses promesses.”
— J’ai dit ça ? Peut-être… Et Alors ?
— “L’argent ne compte pas.”
— Cessez d’ânonner les moindres paroles furtives que je prononce…
— “Paroles furtives”. Dit par une dame qui a passé la plus grande partie de son existence à copier les mots des autres.
— Pourquoi vous venez ?
— Ne m’ouvrez plus, alors !
— Et le répondeur ?
— Quoi, “le répondeur” ?
— Vous m’avez compris !
— Non !
— Lâchez !
— L’impératif !, le pire de tous les temps !
— Isolé, on ne sait jamais à qui l’ordre ou l’invite s’adresse !
— Je voudrais finir ce cahier…
— Comment ?… Luc. Oui, je sais…, j’entends moins bien, en ce moment.
— Je n’ai rien dit.
— J’ai compris à votre regard écarté. Le monde semble s’éloigner et avec lui les sons les plus familiers.
— Je vous ai vu hésiter sur des mots, observer le dessin de mes lèvres pendant que je parlais…, me demander de me tourner vers vous…
— Approchez, Luc. Depuis quelques jours, je ne sais plus comment appliquer des dates aux choses…
— Attendez, je dégage mon bras.
— Pardon. Vous sentez la transpiration.
— Ne parlez plus, Amalia…
— Tu as raison. Oui.

Après

— A quelles heure arrive-t-elle ?
— De qui parlez-vous ?… Ah oui, Assomption ? Autour de neuf heures, juste le temps de dégager le désordre.
— J’ai le temps de m’habiller.
— Rase-toi, avant.
— Amalia…, je voudrais vous dire…
— Je t’écoute.
— …
— Quoi ? Parle !
— Je vous en prie, ne me tutoyez pas.
— Ne pleurez plus.
— J’en ai envie, laissez-moi.
— Je voudrais…
— Tais-toi.

Plus tard

— Le seul à rester…
— Vous ne dormez pas !
— Où allez-vous ? Il est sept heures moins dix !
— Et alors ? J’en ai assez de vous voir surveiller mes entrées et sorties.
— Vous allez encore courir ?
— Oui.
— Couvre-toi mieux.
— Amalia, je vous ai déjà priée de ne plus me tutoyer.
— Pardon. Ne partez pas tout de suite… Venez vous asseoir près de moi.
— J’ai très envie de courir dans le parc.
— Vous allez croiser les prostituées qui finissent leur nuit. Venez un instant, Luc.
— C’est laquelle ?
— De quoi parlez-vous ?
— Cette sonate ?
— Excusez-moi, je n’avais pas compris. C’est la D 960.
— Quand les notes sont frappées on ne devine nul acharnement à tendre les cordes.
— Je ne vous laisserai jamais tranquille. Même après ma mort je ne vous lâcherai pas, j’épierai le moindre de vos gestes, je parlerai pour vous, je détournerai même votre courrier, vous ne serez jamais seul. Je suis invincible, les flammes de l’enfer ne m’atteindrons pas.
— Ecartez vous, maintenant…, oui comme ça, doucement…

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