L’ombre interne II.6 (Théâtre)

6

— Pas sorti ce soir…
—Trop froid au Canal…
— Qu’est-ce qui vous a pris, hier ?
— Pendant que je vous parlais, j’ai aperçu de la fenêtre de ma chambre une aide-médicale qui travailla dans le service quelques mois. Après, on a commencé à dire qu’elle vendait son corps sur les bords du Canal.
— Vous l’avez “connue” ?
— Elle avait un air triste, une sorte de regard à la Modigliani…
— Ces traces blanches sur vos cheveux…
— Quoi ?
— Sur la nuque et peu la tempe droite… Allez vous présenter devant le miroir. Ça ressemble à des marques de peinture.
— Vous avez deviné.
— Je comprends maintenant pourquoi vos vêtements transportent une vague odeur de produit chimique…
— White-spirit.
— Vous aimez entretenir des sortes de mystères ordinaires.
— …
— Luc.
— Que voulez-vous savoir ? La peinture… Je vous en ai parlé…, j’aide une personne à repeindre un séjour. Pas moins de quarante cinq mètres carrés, sous des plafonds de quatre mètres vingt. Presque les proportions de mon deux pièces.
— Et cette personne vous paye Vous avez besoin d’argent…
— On pourrait dire ça…
— Je dois rembourser de vieilles dettes et ce n’est pas avec mon salaire d’infirmier que.
— Vous jouez !
— …
— Luc.
— …
— Vos informateurs, encore.
— Ne prenez pas ce ton dédaigneux. Maintenant je comprends pourquoi vous m’apparaissez parfois si proche de l’épuisement.
— Je suis un travailleur manuel : la nuit je manipule des corps, des linges, de fins objets métalliques ou en plastiques et le jour je redonne de la lumière à des lieux qui n’étaient plus capables de la capter.
— Pourquoi ne m’avoir jamais parlé de cette dette ?
— Vous croyez encore qu’on se parle, Amalia…

Plus tard

— Acceptez.
— N’insistez pas, Amalia.
— Vous savez que je suis obstinée…, que je ne lâcherai pas aisément…
— Vous me donnez envie d’être cynique. Où est votre chéquier ?
— Tout s’accélère.
— En êtes-vous sûre ? Pas l’amour !
— Tenez.
— Vos clés.

Plusieurs jours après