Au cinéma 3 (Théâtre)

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AU CINEMA 3

Scène 2

Atelier de Vassart. Des toiles en cours, d’autres retournées contre le mur et d’autres accrochées. Mais aussi, un petit lit, une table, deux chaises, une cafetière électrique au sol, des vêtements éparpillés. Des objets hétéroclites et familiers cohabitent dans un certain désordre. Vassart ne lâche pas son arme.

HARTMANN — Je n’aurais pas voulu venir ici. Ce que…

VASSART — Taisez-vous !

Temps.

HARTMANN — Il n’y a personne ? Je ne sais même pas où vous m’avez amené… C’est encore la ville ou la banlieue… ? A quoi bon me garder ? C’est vous qui peignez ?…

VASSART, cherchant un objet — Ne posez plus toutes ces questions… Le sommeil me gagne. Demain, je prendrai une décision.

HARTMANN — DEMAIN !

VASSART — Oui, je ne sais pas quoi faire de vous maintenant, je suis trop fatigué.

HARTMANN — Laissez-moi partir.

VASSART — Assez ! Je ne peux rien décider, ce soir.

HARTMANN, chantonnant — Je voudrais-trouver-une-solution-mais-je-ne-sais-pas-laquelle choisir- Je-voudrais voudrais-trouver-une-solution-mais-je-ne-sais-pas-la…

VASSART — ARRETEZ-VOUS !

HARTMANN — NE CRIEZ PAS !

VASSART — Taisez-vous et mettez-vous-là !

HARTMANN — Quoi ?

VASSART — Vous avez bien entendu !

HARTMANN — Mais je n’ai pas sommeil !

VASSART — Moi si ! Vous avez compris ?

HARTMANN — Ne me touchez pas ! C’est le sommeil qui vous rend si agressif…

VASSART il sort une corde épaisse enfouie sous le lit — Obéissez !

HARTMANN — Qu’est-ce que vous allez faire avec ça ? Vous n’allez pas m’attacher !

VASSART — Taisez-vous.

HARTMANN — Vous avez peur que je crie.

VASSART, commence à l’attacher — Oh ici, personne ne vous entendra…, vous pouvez vous débattre, crier, si ça vous soulage…

HARTMANN — Vous me faites mal…

VASSART — Pardonnez-moi.

HARTMANN — Attendez.

VASSART — Quoi ?

HARTMANN — Puis-je au moins choisir une position ? Oui, comme ça… Temps. Si vous avez l’intention de m’exécuter, pourquoi attendre demain ?

VASSART — Nous sommes déjà demain ! Et je n’ai pas l’intention de vous tuer…, je n’ai rien décidé encore… Et puis, cessez de me perdre en questions !

HARTMANN — …Votre indécision… Et vous, où vous allez dormir ?

VASSART — Là. Il désigne le canapé.

HARTMANN — Prenez garde, je bouge beaucoup la nuit.

VASSART — Avec des cordes ?

HARTMANN — Je parle aussi, j’arrête pas.

VASSART — Quand je dors, tout tombe autour de moi, plus rien ne peut aller contre la force de mon sommeil.

HARTMANN — C’est un privilège.

VASSART — Je n’en suis pas si sûr…

HARTMANN — Je rêve !

VASSART — Vous rêvez encore ?…

HARTMANN — Je vous en prie, laissez-moi partir, il est encore temps.

VASSART — Calmez-vous…

Vassart s’étend sur le canapé et s’endort aussitôt . Une lumière fantomatique couvre l’espace scénique. Seul le lit où est attaché Hartmann est faiblement éclairé. Silence, puis au bout d’un moment on entend la voix Off, d’Hartmann

HARTMANN— (off)… il dort déjà, quelle puissance… J’ai toujours admiré les gens qui parviennent à se tourner si vite vers le sommeil… Ce sont des anges… Hartmann…, c’est la première fois que tu dors ligoté…. J’aurais dû fuir avec les autres…, j’avais le temps… J’étais assez loin pour me dissimuler derrière un véhicule…. Qu’est-ce qui m’a pris de m’approcher ? Temps.
Mes liens sont serrés… Finalement, il ne s’est aperçu de rien… Ne comprendra, jamais…

Silence.

Il sent une odeur sucrée…, musc…, ses vêtements sont propres…, encore bien tendus . Il a dû s’habiller juste avant de se rendre au cinéma… juste avant d’abattre la caissière… Ne dit-on pas que les candidats au suicide se changent avant de se donner la mort…

Temps.

Cette mèche blanche qui s’enfonce dans le crâne….
Crâne…, crâne…, « ce crâne aveugle »…, Et la tête de cette femme. Pourquoi a-t-il tiré ? Je ne pourrais jamais rêver cette scène.

Temps.

Il n’a même pas pris la peine de me couvrir…, combien de temps va-t-il me garder ? Ils vont m’attendre demain au bureau.

Silence.

Comme j’étais bien dans le corps d’Héléna hier soir… littéralement avalé par son corps… Quelle douceur… Je n’ai même pas pris le temps de prendre une douche… J’ai encore un peu de son odeur sur moi… Elle doit le savoir quand nous nous retrouvons… Elle aime me couvrir, Judith.., elle aime serrer mon sexe entre ses cuisses… A chaque fois elle s’agite comme une folle… Elle sait profiter de mes insomnies…

Temps.

Hibou-caillou-chou-genou-joujou-doudou… Roudoudou…Il ne faut pas que je dorme, non pas question ! Il faut que je fixe tout ce qui s’est passé pour le raconter à Héléna. (Il chantonne l’aria de Bach « Ebarm dich mein gott » de “La Passion saint Mathieu”)

Temps.

— « Le participe passé employé avec l’auxiliaire AVOIR s’accorde en genre et en nombre avec le Complément d’Objet Direct, s’il est placé avant… »
— « Le participe passé employé avec AVOIR et suivi d’un infinitif s’accorde si le Complément d’Objet Direct , étant placé avant le participe, fait l’action exprimée par l’infinitif… Heu…, quels exemples donne le père Bled ? (temps) Heu… “Les enfants que j’ai vus jouer formaient un groupe joyeux, VUS… US.., c’est Ça… « … la pièce que j’ai vu jouer m’a ému… VU : U. Qu’est-ce qu’on apprenait encore l’autre soir… ? Me souviens plus…
Avalant un rire enfantin.
Réciter des leçons grammaire pendant qu’on fait l’amour, après on ne les oublies plus… A la première occasion j’en parlerai au Ministre de l’Education Nationale. Temps. Hartmann, Hartmann, ne t’endors pas…, lutte contre le sommeil jusqu’au matin pour raconter toute l’histoire…, pour raconter cette nuit, là, tout près de ce souffle humain…

Hartmann succombe au sommeil alors que le noir descend lentement.

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