Selon 7 (Théâtre)

Selon1Selon2

SELON 7 Théâtre

La scène serait recouverte d’une lumière fantomatique au travers de laquelle Sam échapperait à la distinction. Il tiendrait en main les feuillets de son Journal, texte — toujours en cours — et qui à mesure que le temps passera, seront dispersés sur le plateau.
Tantôt il lira son Journal, tantôt il écoutera une voix en lui, (voix « off ») tantôt il s’adressera à une personne peut-être imaginaire… (Adressées)

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Adressées
Défaire le sens, s’en accommoder, ciller devant une figure de renoncement, dès lors qu’on vous invite à poursuivre. Mais vous ne le souhaitez pas, je le sens bien. Que décider, là, devant vous ? Vous croyez que je sois en mesure de vous inviter à continuer quand vous montrez autant de résistance. Non, je n’ai pas la force. “Nul n’a jamais peint, écrit, sculpté, pour sortir en fait de l’enfer.” Cette phrase je l’ai marmonnée pendant des années, elle accompagnait mes moindres instants. Les plus furtifs…

Voix « off »
Cette phrase, cette phrase… Au fond de ma poche, elle se blottissait, attendait la chaleur de ma main quand je la saisissais pour vérifier si elle était toujours entière. Oui, des mots peuvent se déliter à force d’être proférés. Ils nous scrutent loin derrière, dans l’avancée du temps, quand ce temps annonce un saut à travers les épaisseurs de lumières. Rouge, verte, bleue, orangée : modestes, alanguies, piétinées. Les couleurs entourent la ceinture d’ombre et se déversent en cercles magiques.

Adressées
Vous ne m’écoutez plus. Je le sens. Suffit que je me tourne et vous vous barrez ! Vous vous êtes perdu avec moi, non ? A deux, je me sentirais moins seul. C’est ce qu’on croit. C’est par là que ça tient, deux : même si chacun sait pertinemment que c’est faux. Mais non, on fait comme si. Vous savez que je dis juste, vous le savez vous là-bas, au fond. Oui, non…, vous… oui. C’est ça ! Pas la peine de vous retourner, non, derrière il n’y a plus que le mur. Oui. Ah vous croyez ? Jamais je ne pourrais penser une chose pareille. “Que tout tient ensemble.” Je ne crois pas assez pour penser ça, mais restez avec votre idée, gardez-là en creux. Je vous en prie. Oui. Je voudrais m’interrompre, mieux, m’immobiliser complètement : sur un mot, une sensation.
S’arrêter, se tenir, se fixer c’est chaque fois un tour de passe-passe : on croit tirer sa destinée vers un lieu de résidence mais elle chute dans l’indistinct. A l’envers.
Doit-on s’immobiliser quand tout devient improbable ?
Vous ne me répondrez pas. Qui le peut ? Dites-moi ça un peu ! Mais non, pas maintenant,
Lâche-moi maintenant Sylvia, ne m’oblige pas à te regarder ! Soutenir un regard pendant une certaine durée, quelquefois ça embarrasse totalement la vision. A force de… C’est… Selon !

Lecture du Journal
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Adressées
Allez, venez avec moi, nous allons regagner notre étage, celui d’où nous pouvons apercevoir la ville quand elle se donne, entière et sombre. C’est le jour, dans l’agitation continue que les villes sont les moins offertes. Dès que le soir survient, il apporte avec lui des manifestations de la fin. Non ?

Il va se mettre à lire frénétiquement des pages au hasard.

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Adressées
Viens avec moi, Sylvia ! Ne reste pas devant la porte. Même quand tu es au centre d’une pièce je te sens prête à la quitter. T’éloigner, t’éloigner. Accusons le coup ! Faut s’y mettre, désormais. Ne plus forcer le destin. Fanatique. Porter son Temple en soi-même. Croire. Deux mots entre. Relis, reformule en toi ce que je viens de prononcer. Tu sais, j’ai mis tant de temps à accepter cette évidence. Plus la peine de jouer. Il y a longtemps que nous nous sommes quittés et en continuant à vivre sous le même toit. Longtemps. “Vivre”. Tu as entendu ? Non ? Tu m’écoutes, au moins ! Ouais, tu es déjà partie. Est-elle là ? Ou bien ici ? Peut-être derrière cette colonne ? Partout ! Et même sous les objets. Le pouvoir de tout habiter, de tout occuper. C’est donner, ça ne s’apprend pas. Innée. Acquis. Foutaise ! Mais l’insu, rien que l’insu ! Ah oui, vous vous demandez où je vais aller. Ce serait commode de pouvoir décider. Ils me tiennent. Tous. Mot, pages, onctions, ordres annoncés, délibérations, procédés. Tous ! Chaque matin, la même question : comment tenir ? Alors je sors, fais entrer l’extérieur pour occuper le vide. Mais ce ne sont que des modules vides emboîtés dans du vide. Alors je vais plus loin, près de la mer, par exemple. Stupéfaction, chaque fois. La même mer ou une autre. Les îlots n’ont pas bougé, pourtant. Oui. Stupéfaction. C’est elle qui me traite et depuis toujours. Pas l’autre, celle-là ! Ecoutez-moi, écoutez-moi. Ne me lâchez pas d’un mot, d’une semelle de sens, vous prendriez des risques. J’observe dans votre regard un peu d’inquiétude. Si, si, pas la peine de vous défendre ! Attendez ! Oui… J’ai cru que la masse des idées qui m’agitent pouvait être classées. Elles passent d’un bord à l’autre du crâne, les idées. D’un coup.

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