“Une ironie de science”

Dans une fragment intitulé « Ethique » (in Brillat-Savarin) Roland Barthes écrit : « On a pu dévoiler la physique du plaisir amoureux (tension/détente) mais le plaisir gustatif, lui, échape à toute réduction, et par conséquent, à toute science (à preuve la nature hétéroclite des goûts et des dégoûts à travers l’histoire de la terre). B.S. parle comme un savant et son livre est une physiologie ; mais sa science (le sait-il) n’est qu’une ironie de science. »
Que Roland Barthes relève dans l’ordre des plaisirs, des territoires qui ne peuvent se trouver formaliser par le discours de la science, et toute l’ambition totalisante du pouvoir scientifique est remisée, comme tenue à distance par des plages de résistance qui s’élèvent, droite et dure à la fois. Envisager une science du plaisir gustatif est aussi vain que l’édification de grandes nosographies psychiatriques, quand on sait qu’il n’y a de vérité que du sujet. Délimiter une territoire, créer un espace de fantaisie et jouer à faire une science ne peut tourner qu’à l’ironie lorsque le goût rencontre l’aléatoire et le factuel. Il suffit d’une humeur, d’un entêtement, d’une sécrétion inconnue pour qu’un goût soit altéré et que tombe les catégorisations tenues par l’opposition de deux valeurs : l’agréable et le désagréable.
Que le goût rencontre la science par ironie et à Roland Barthes de s’arrêter un moment et d’observer ces parures théoriques qui fondent des objets impossibles : un fantasme de savoir est tapi là, dans l’ombre. Aussi, est-il intéressait par l’idée de soumettre les convives d’un repas à des mesures expérimentales pour constater l’effet d’un plat sur des gastronomes : « Cette idée tient compte de deux facteurs très modernes : la socialité et le langage. » Ainsi, comment parle-t-on d’un mets distingué, qu’elles réactions observe-t-on sur le visage des convives ? Cette façon à la fois sérieuse et ironique de jauger retient RB car elle démembre la gravité du discours scientifique, lui qui s’occupe de vérité.

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